Atelier
Passer la porte de la galerie Karen Swami ne laisse pas indemne.
On s’en doute un peu déjà lorsqu’on y jette notre œil voyeur au delà de la vitrine ponctuée de céramiques couleurs du temps.
On en est convaincu lorsqu’on se retrouve sans presque l’avoir décidé au milieu de ses vases qui ne sont que prétexte à nous livrer la forme idéale, la recherche de l’absolu. Il est trop tard lorsqu’on réalise qu’on n’a désormais plus le choix : ou s’approprier l’une de ses formes inédites pour ne plus se priver de la caresse du geste et du regard qu’elles appellent ou en rêver à jamais, comme on rêve d’une silhouette entrevue trop vite au détour d’une rue et dont on presse les promesses perdues.
Reste alors à gagner du temps. Pour prolonger le délice qui a souvent pour revers le supplice, on n’a plus qu’une envie, faire parler Karen Swami. Car c’est elle qui vous parlera le mieux de ces objets, et pour cause c’est de ses mains qu’ils sortent, c’est d’elle qu’ils parlent.
L'atelier
De son énergie rayonnante qui fait vibrer les rouges flamboyants qu’elle dépose sur ses pots comme la lave sur la terre, de sa pudeur qui se décèle dans le vert-d’eau subtil quelle invente pour nous immerger dans un monde aquatique réinventé, de sa force féminine et tellurique qui jaillit de ses vasques ascensionnelles, de sa part d’ombre consentie qu’elle pointe du doigt en vous montrant ses terres enfumées et de tant d’autres choses essentielles…
De celles qui se disent mieux sans se dire, lorsqu’on sait écouter au delà des mots, au delà de la prunelle vive de la galeriste-céramiste, au delà des bleus qui s’alignent sur ses étagères, au delà du temps délicieux que l’on vient de passer sans le voir passer. Et voilà, on est en retard à notre rendez-vous.
Pourtant, on ne faisait que passer…
6 rue Victor Schoelcher, Paris 14e
Le piège s’est refermé sur nous et avec lui des empreintes mirifiques, étrangement colorées et ovoïdes à souhait se sont fossilisées dans notre pauvre cervelle de promeneur imprudent et colonisent notre imaginaire à jamais.
Alors frileux d’émotions inattendues, vous qui cherchez à éviter les pichenettes dans le cœur, faite un large détour lorsque vous passez rue Victor Schoelcher, devant la galerie Karen Swami.